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1802-2002
Bicentenaire
de la naissance de
Victor Hugo

 

 
DOSSIER SPECIAL
> Victor Hugo, le défenseur de la laïcité

Je veux l’État laïque, exclusivement laïque..., je veux ce que voulaient nos pères, l’Église chez elle et l’État chez lui.

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Victor Hugo contre la loi Falloux

Discours à l'Assemblée du 15 janvier 1850.

Elu en 1849 à l'Assemblée législative, Victor Hugo intervint vigoureusement dans la discussion de la loi sur l'enseignement proposée par le comte de Falloux, alors ministre de l'Instruction publique. Il prononça à cette occasion son célèbre discours sur la liberté de l'enseignement dont voici quelques extraits :


Voici donc, selon moi, l'idéal de la question. L'instruction gratuite et obligatoire (...) un grandiose enseignement public donné et réglé par l'État, partant de l'école de village et montant, de degré en degré, jusqu'au Collège de France, plus haut encore, jusqu'à l'Institut de France. Les portes de la science toutes grandes ouvertes à toutes les intelligences. Partout où il y a un champ, partout où il y a un esprit, qu'il y ait un livre.
(...) Je veux, je le déclare, la liberté de l'enseignement, mais je veux la surveillance de l'État et, comme je veux cette surveillance effective, je veux l'État laïque, purement laïque, exclusivement laïque.
(...) Je veux, dis-je, la liberté de l'enseignement sous la surveillance de l'État, et je n'admets, pour personnifier l'État dans cette surveillance si délicate et si difficile, qui exige le concours de toutes les forces vives du pays, que des hommes appartenant sans doute aux carrières les plus graves, mais n'ayant aucun intérêt, soit de conscience, soit de politique, distinct de l'unité nationale. C'est vous dire que je n'introduis, soit dans le Conseil supérieur de surveillance, soit dans les conseils secondaires, ni évêques, ni délégués d'évêques. J'entends maintenir, quant à moi et, au besoin, faire plus profonde que jamais, cette antique et salutaire séparation de l'Eglise et de l'État qui était l'utopie de nos pères, et cela dans l'intérêt de l'Eglise comme dans l'intérêt de l'État.
(...) Ah ! nous vous connaissons, nous connaissons le parti clérical. C'est un vieux parti qui a des états de service. C'est lui qui monte la garde à la porte de l'orthodoxie. C'est lui qui a trouvé pour la vérité ces deux états merveilleux : l'ignorance et l'erreur. C'est lui qui fait défense à la science et au génie d'aller au-delà du missel, et qui veut cloître la pensée dans le dogme. Tous les pas qu'a faits l'intelligence de l'Europe, elle les a faits malgré lui. Son histoire est écrite dans l'histoire du progrès humain, mais elle est écrite au verso.
(...) Et vous voulez être les maîtres de l'enseignement ! Et il n'y a pas un poète, pas un écrivain, pas un philosophe, pas un penseur que vous acceptiez ! Et tout ce qui a été écrit, trouvé, rêvé, déduit, illuminé, imaginé, inventé par les génies, le trésor de la civilisation, l'héritage séculaire des générations, le patrimoine commun des intelligences, vous le rejetez ! Si le cerveau de l'humanité était là devant vos yeux, à votre discrétion, ouvert comme la page d'un livre, vous y feriez des ratures !
(...) A qui en voulez-vous donc ? Je vais vous le dire. Vous en voulez à la raison humaine. Pourquoi ? Parce qu'elle fait le jour.
(...) Messieurs, avant de terminer, permettez-moi d'adresser ici, du haut de la tribune, au parti clérical, au parti qui nous envahit, un conseil sérieux. Ce n'est pas l'habileté qui lui manque. Quand les circonstances l'aident, il est fort, très fort, trop fort ! Il sait l'art de maintenir une nation dans un état mixte et lamentable, qui n'est pas la mort, mais qui n'est plus la vie. Il appelle cela gouverner. C'est le gouvernement de la léthargie. Mais qu'il y prenne garde, rien de pareil ne convient à la France. C'est un jeu redoutable que de lui laisser entrevoir, seulement entrevoir, à cette France, l'idéal que voici : la sacristie souveraine, la liberté trahie, l'intelligence vaincue et liée, les livres déchirés, le prône remplaçant la presse, la nuit faite dans les esprits par l'ombre des soutanes, et les génies matés par les bedeaux !

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Je ne veux pas qu’une chaire envahisse l’autre ; je ne veux pas mêler le Prêtre au Professeur. Ou je consens à ce mélange, moi législateur, je le surveille, j’ouvre sur les séminaires et les congrégations, l’œil de l’Etat, et j’y insiste de l’Etat laïc, jaloux uniquement de sa grandeur et de son unité…

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