> Reportage
12000 défenseurs de la laïcité à Paris
Alors que la loi de séparation des Eglises et de l'Etat vient de
fêter son centenaire ce 9 décembre 2005, aucune
célébration officielle n'a eu lieu pour
célébrer cet acte fondateur de la République.
Jacques Chirac comme Dominique de Villepin sont restés muets sur
un thème, la laïcité, dont les émeutes en
banlieues ont démontré combien il devait être
préservé et renforcé. La seule action du
gouvernement est venue du ministre de l'Intérieur Nicolas
Sarkozy qui a installé une commission dont l'objectif est de
livrer des pistes pour "toiletter" la loi de Séparation ;
autrement dit la remettre en cause.
Heureusement, ce samedi 10 décembre, les laïques se sont
mobilisés dans une manifestation unitaire exceptionnelle qui a
réuni quelque 12000 à 15000 personne (5000 à 8000
selon les forces de l'ordre) entre la place de la République et
Richelieu-Drouaut. Répondant à l'appel du Comité
des 200 avec pour mots d'ordres la défense et la promotion de la
loi de 1905, les manifestants se sont répartos le long du
cortège en fonction de leur appartenance. En tête de
cortège, tenant la banderole "Comité de liaison de
l'Appel aux laïques", il y avait notamment le président de
la Fédération nationale de la libre pensée,
Joachim Salamero, l'ancien secrétaire général de
Force ouvrière (FO), Marc Blondel.
En suivant, devant une banderole "Liberté,
égalité, fraternité ET laïcité" se
trouvait une forte délégation de francs-maçons.
Pour la première fois depuis 1994 (date d'une manifestation
contre la révision de la loi Falloux), les principales
obédiences avaient appelé leurs membres à
manifester ce samedi. Echarpes bleues ou colliers bleus brodés
ont apporté solennité à la marche.
Derrière les francs-maçons se trouvaient les Libre
penseurs. Les plus importantes fédérations
départementales avaient déployés drapeaux et
banderoles et par la voix de Patrick Besson, ce sont les Libres
penseurs qui ont animé le cortège de façon sonore
avec des slogans "L'Etat chez lui, l'Eglise chez elle" ; "Le concordat,
on n'en veut pas" ; "Abrogation des lois antilaïques" ; "De Moscou
à Lisbonne, de Londres à Washington : séparation
des Eglises et de l’Etat" ; mais aussi de façon visuelle
puisque ce sont les affiches de la Libre pensée, inspirée
de
La Liberté guidant le peuple de Delacroix (qui est l'en-tête de notre site
http://librepensee12.free.fr), qui ont été collées tout le long du parcours.
Pour sa part, la Libre pensée de Rodez a participé
à la manifestation en envoyant une délégation dont
les membres se sont félicités de la participation massive
et de la teneur des discours.
Marc Blondel, le grand maître du Grand Orient de France,
Jean-Michel Quillardet,et le président de l'IHEU, Babu Gogineni,
ont tour à tour pris la parole pour rappeler l'importance de la
loi de 1905 et, surtout, les menaces qui pèsent sur elles. Au
nom de la Fédération nationale de la Libre pensée,
Christian Eyschen, son secrétaire général, a
dégagé des perspectives pour que la manifestation ne soit
pas un coup d'épée dans l'eau. Rappelant que la
commission initiée par Nicolas Sarozy doit rendre son rapport
dans quelques mois, le secrétaire général a
invité tout les laïques à faire un "inventaire des
atteintes à la loi" ; comme il y eu en 1906 un inventaire des
biens du clergé catholique.
La Libre pensée de Rodez participera bien évidemment
à cette action et recensera, en Aveyron, les atteintes à
la loi de 1905.
La délégation de la Libre pensée présente à la manifestation
> Compte rendu officiel de la Fédération nationale de la Libre pensée
Un bel anniversaire
Ce fut un bel anniversaire. Les manifestants étaient des
milliers de fois plus nombreux que les bougies du gâteau. Les 100
ans de la loi de 1905 ont été fêtés
dignement entre la place de la République et
Richelieu-Drouot. Ce sont plus de 12 000 manifestants qui ont
déferlé pendant plus de deux heures sur les boulevards
parisiens.
Sans aucun concours des médias, sans financement public comme
pour les rassemblements religieux, sans appui des « grands partis
officiels », sans l’aide du gouvernement et de ses
ministres, la force laïque s’est rassemblée en un bel
après-midi de décembre.
Du Grand Orient de France à la Libre Pensée
Ouvert par les 50 premiers signataires de l’Appel aux
laïques qui avaient pris l’initiative de la manifestation
laïque, le cortège conduit par Marc Blondel voyait ensuite
manifestaient 2 000 francs-maçons et francs-maçonnes,
essentiellement du Grand Orient de France à la couleur
française des cordons si facilement reconnaissable.
Les associations comme l’Union des Athées, le
Comité-Laïcité-République, le Mouvement
Europe et Laïcité (CAEDEL), l’Union rationaliste,
l’Association du Chevalier de la Barre d’Abbeville et celle
de Paris, Laicité-Liberté, les espérantistes et
bien d’autres suivaient ensuite.
Puis, ce fut le cortège international derrière la
banderole de l’Union Internationale Humaniste et Laïque
(IHEU). Coude à coude, les luxembourgeois, les belges, les
italiens, les anglais, les espagnols, les portugais reprenaient
le mot d’ordre : « De Moscou à Lisbonne, de Londres
à Washington : séparation des Eglises et de l’Etat
». Des messages de soutien des USA, d’Irlande,
d’Argentine, de Tchéquie et de Nouvelle-Zélande
sont arrivés dans les heures précédentes la
manifestation.
Citons celui des Humanistes et Rationalises d’Auckland en
Nouvelle-Zélande : « Il ne pourrait y avoir de
meilleur endroit que la Place de la République pour faire une
telle manifestation, car c’est dans les idéaux de la
République française qu’est né le principe
de la séparation des Eglises et de l’Etat. Nous souhaitons
plein succès à votre combat pour défendre la loi
de 1905 ».
La Libre Pensée défilait ensuite dans l’ordre
minéralogique des ces fédérations
départementales. De l’Ain au Val d’Oise, tous les
départements étaient représentés. Ils
étaient 120 du Nord/Pas-de-Calais et 150 des
Bouches-du-Rhône. Des cortèges départementaux bien
fournis, une marée de drapeaux rouges, noirs, noirs et rouges,
une multitude de bannières dont certaines avaient une centaine
d’année, des banderoles à foison, la Libre
Pensée était bien vivante.
3 000 libres penseurs de province, 2 000 de la Région parisienne
formaient le cortège de loin le plus important. Les 5 000 libres
penseurs exigeaient l’abrogation des lois antilaiques, que les
fonds publics n’aillent qu’à la seule Ecole
publique, la défense de la loi de 1905 et l’abrogation du
statut clérical d’Alsace Moselle. Comme on dit sur les
boulevards de Paname, « cela avait de la gueule ».
Meeting laïque
A la fin de la manifestation, Marc Blondel, syndicaliste et libre
penseur, prenait la parole pour dire : « C’est la
laïcité qui est la garantie de l’Egalité
entre citoyens, c’est la contestation de tous les
privilèges dus à la religion, à la naissance.
C’est la laïcité qui construit la Fraternité
nécessaire à la mise en place de la solidarité.
C’est la laïcité enfin qui libère
l’individu de toute soumission devenant ainsi facteur de la
Liberté ».
Jean-Michel Quillardet, Grand Maître du Grand Orient de France
rappelait l’engagement de toujours des francs-maçons pour
la République et la laïcité. S’adressant au
gouvernement, il indiquait clairement que le GODF voulait
l’application de la loi de 1905, toute la loi, rien que la loi,
mais pas moins que la loi de séparation.
Babu Gogineni, directeur exécutif de l’IHEU proclamait que
la laïcité n’est pas une exception française,
mais qu’elle appartenait au patrimoine universel de
l’Humanité. Il n’y a pas de démocratie sans
laïcité et sans séparation des Eglises et de
l’Etat. Et cela est valable sur tous les continents et dans tous
les pays.
La Libre Pensée au cœur du combat laïque
Christian Eyschen, secrétaire général de la Libre
Pensée terminait ce meeting par le discours suivant : « Il
faudra bien que les gouvernements et les ministres comprennent enfin
cette chose si évidente : la laïcité vit dans la
conscience des millions de citoyens de ce pays ! Y toucher, c’est
remettre en cause la démocratie et la République.
C’est à Paris, où a été
décidée par trois fois la séparation des Eglises
et de l’Etat que nous avons manifesté aujourd’hui.
C’est à Paris, en 1795 sous la Convention, en 1871 sous la
Commune et en 1905 sous la République, que nos
aînés ont brisé l’alliance du trône et
de l’autel, du politique et du religieux.
Ce sont les nôtres, les Emiles Combes, Ferdinand Buisson,
Aristide Briand, Jean Jaurès, Frédéric Desmons
, Georges Clemenceau, tous libres penseurs d’hier, et qui
ont fait œuvre de démocratie en instituant la pleine
et entière liberté de conscience. Ce sont les
nôtres, les libres penseurs d’aujourd’hui, à
l’instar de leurs glorieux aînés, qui ont
œuvré inlassablement, depuis quatorze mois, à faire
de cette manifestation d’aujourd’hui cette
démonstration d’action laïque.
Nous pouvons le dire avec fierté : aujourd’hui, une
nouvelle fois, nous avons, ensemble, réuni ce qui
était épars pour en faire une force indissoluble pour la
République, la Démocratie, la Liberté,
l’Egalité, la Fraternité et la Laïcité
!...
Alors, en leur nom, en tant que secrétaire général
de la Libre Pensée, dépositaire d’un mandat qui a
plus de 150 ans et qui a été donné par des
générations entières de libres penseurs, je veux
remercier tous les laïques, les syndicalistes, les militants
ouvriers, les républicains authentiques, les
Francs-maçons qui ont su faire, ensemble, cette
démonstration laïque…
Nous avons fait œuvre commune ensemble pour faire rentrer le
centième anniversaire de la loi de 1905 dans l’histoire.
Aujourd’hui, ensemble, nous avons écrit une page de
l’histoire qui fera date.
Mais cette bataille laïque n’est pas la dernière. La
laïcité est toujours menacée dans notre pays. Elle
est menacée par des gouvernements qui la bafouent, par des
ministres qui veulent la détruire, par des Eglises qui pillent
les fonds publics.
Des milliards de fonds publics sont ainsi volés à
l’Ecole de la République pour financer
l’école privée essentiellement catholique. Il y a
toujours des ministres, hier Jack Lang, aujourd’hui Gilles de
Robien qui se font délivrer des indulgences papales et
électorales avec l’argent public des citoyens de ce pays.
Il est un ministre, le sinistre de l’Intérieur qui vient
de nommer une commission pour « toiletter » la loi de 1905
et pour l’adapter aux exigences cléricales de
l’Union européenne. Cette commission doit rendre son
rapport dans six mois avec des propositions pour démanteler
encore plus la laïcité institutionnelle dans notre pays.
S’appuyant sur les remises en cause antilaiques
décidées par le Régime de Vichy et jamais
abrogées ensuite, le président de cette commission entend
poursuivre le processus de destruction de la loi de 1905.
Nous ne les laisserons pas faire. Ils ne passeront pas, ils ne
passeront plus. Nous allons poursuivre la mobilisation laïque pour
défendre la laïcité. Et puisque 2006 sera le
centième anniversaire des inventaires décidés par
la loi de 1905, l’inventaire nous allons le faire.
Avec tous ceux qui veulent continuer notre action commune, nous
proposons de faire une gigantesque commission d’enquête sur
les violations de la laïcité. Dans les communes, les
départements, les régions, les administrations ; dressons
ensemble l’inventaire des fonds publics détournés
pour les religions et leurs œuvres.
Monsieur Sarkozy nous a donné rendez-vous dans six mois. A notre
tour, nous lui donnons rendez-vous. Au moins de juin, les
inventaires laïques convergeront vers les Etats
généraux de la laïcité où nous
informerons l’opinion publique de ce pays de l’état
réel de la situation, des viols de la démocratie,
des atteintes à la laïcité et des fonds
détournés.
Et ensemble, nous déciderons de l’action commune à
mener pour défendre, restaurer et promouvoir la
laïcité de l’Ecole publique et de l’Etat. Alors
ensemble, tous ensemble, nous allons continuer à nous battre. Et
on n’a pas fini d’entendre dans ce pays, le vieux mot
d’ordre des libres penseurs, combattants pour
l’émancipation de l’Humanité :
Ni dieu, ni maître ! A bas la Calotte ! Et vive la Sociale !